Anthony Trollope – Le docteur Thorne

Trollope (2)Frank Gresham, héritier désargenté du domaine de Greshamsbury, épousera-t-il Mary Thorne, une jeune fille sans naissance et sans le sou dont il s’est épris? Cette question constitue l’ossature du roman d’Anthony Trollope, Le docteur Thorne ; mais à travers elle, l’auteur brosse aussi un portrait des plus vivants de l’aristocratie anglaise et des riches propriétaires fonciers dans l’Angleterre victorienne. Un véritable coup de cœur !

Résultat de recherche d'images pour Écrivain prolifique de l’époque victorienne, avec à son actif 47 romans, Anthony Trollope était un contemporain de Charles Dickens. Il est encore aujourd’hui l’un des romanciers anglais les plus célèbres, notamment grâce à certains de ses romans qui se déroulent dans le comté imaginaire du Barsetshire. Le docteur Thorne, paru en 1858, fait partie de cette série.

« Vous devez épouser une fortune, Frank. Tel est votre devoir essentiel, unique, tel est le projet qui doit sans cesse habiter votre esprit. » Ainsi s’exprime la comtesse de Courcy, tante de Frank Gresham. Et cette obsession d’ « épouser une fortune » revient sans cesse dans le roman, tant la situation dans laquelle se trouve le père de Frank est difficile. Père de 10 enfants, dont 9 filles, après une courte carrière de parlementaire, il a de plus en plus recours à l’emprunt pour pouvoir maintenir le niveau de vie de la famille, au point d’hypothéquer le domaine familial.

Dans ce contexte, la pression mise sur l’héritier est forte ; et le désarroi devient immense quand celui-ci s’éprend de la nièce du docteur Thorne, Mary, qui n’a ni fortune ni sang bleu. En effet, la naissance est aussi l’un des grands enjeux des unions ; c’est d’ailleurs ce que Lady Amélia rappelle à sa cousine Augusta, lorsque cette dernière lui demande son avis sur un mariage qui pourrait l’unir à un certain Gazebee :

Il ne nous est pas permis, ma chère Augusta, de penser seulement à nous dans un cas pareil. Comme vous le dites justement, si nous devions agir ainsi, où irait le monde? Il a plu à Dieu de nous faire naître avec du sang noble dans les veines. C’est un bienfait que nous apprécions toutes les deux, mais ce bienfait comporte ses responsabilités autant que ses privilèges. La loi a prévu que les membres de la famille royale n’avaient pas le droit d’épouser des sujets. Pour nous, il n’y a pas de loi, mais cela n’empêche pas pour autant d’en ressentir la nécessité. : nous n’avons pas le droit d’épouser ceux qui appartiennent vraisemblablement à un rang inférieur. Mr Mortimer Gazebee n’est, après tout, qu’un avoué, et vous avez beau parler de son arrière-grand-père, cet homme-là n’a aucun sang. Vous devez reconnaître qu’un tel mélange doit apparaître à un Courcy, ou même à un Gresham, comme une souillure.

Trollope est un grand observateur des moeurs et de la vie de ses concitoyens, et il nous offre ainsi des descriptions très vivantes de ce milieu (et des personnages), de l’hypocrisie qui y règne. Il n’hésite pas à employer l’ironie, et nous réserve quelques situations comiques. Véritable conteur, il embarque avec talent le lecteur dans son histoire :

Comme le docteur Thorne est notre héros – ou plutôt mon héros, devrais-je dire, mes lecteurs ayant le privilège de pouvoir choisir eux-mêmes en la matière – et comme Miss Mary Thorne sera notre héroïne, un point sur lequel personne ne dispose d’autre choix, il est nécessaire de les présenter, de les décrire et de les faire connaître en bonne et due forme.

Au-delà des familles Gresham et Courcy, marquées par la naissance et les rentes liées à la richesse foncière, on suit avec intérêt cette époque de grande transformation qui voit se constituer de grandes fortunes grâce à l’industrie. C’est le cas de Roger Scatcherd, un homme qui jouera un grand rôle dans l’histoire, et qui s’enrichit grâce à la construction de voies ferrées. La démocratisation suit son cours, le corps électoral s’élargit au gré de réformes menées dans la première moitié du 19ème siècle ; Trollope nous raconte aussi avec beaucoup de verve une campagne électorale et ses tentatives de soudoiement des électeurs.

Au final, Frank ira-t-il contre le vouloir de sa famille en épousant Mary Thorne ? Ou Anthony Trollope réserve-t-il d’autres surprises à ses lectrices et lecteurs ? Quel rôle jouera finalement le docteur Thorne, le héros du livre désigné par l’auteur ? Vous le saurez en :

X achetant le livre chez votre libraire ou bouquiniste

l’empruntant dans votre bibliothèque

lisant plutôt autre chose

Le docteur Thorne, d’Anthony Trollope. Traduit de l’anglais, préfacé et annoté par Alain Jumeau. Points, 2014, 800 pages.

Un grand merci à mon épouse pour m’avoir offert ce livre, et aussi à Madame lit qui m’a donné le coup de pouce nécessaire, grâce à son défi, pour « attaquer » ce magnifique roman !

Cette lecture s’inscrit dans le cadre du défi littéraire d’octobre de Madame lit, consacré à la littérature anglaise, ainsi que du challenge Voisins Voisines 2018.

voisinsvoisines2_2018

20 réflexions sur “Anthony Trollope – Le docteur Thorne

  1. laboucheaoreille 21 octobre 2018 / 13:28

    Votre chronique est très tentante, mais je recule devant le nombre de pages … j’ai un peu de mal avec les gros pavés, malheureusement.

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 20:02

      Très honnêtement, il ne faut pas avoir peur, ça se lit très vit, et ce n’est pas une lecture qui nécessite une attention forte de tous les instants.

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      • laboucheaoreille 23 octobre 2018 / 15:16

        Ah d’accord, alors je retiendrai ce titre ! Merci de ce conseil 🙂

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  2. luocine 21 octobre 2018 / 14:31

    en voilà un qui rentre tout de suite dans ma liste, le roman est paru en 1958 en France? car tu écris que ce romancier est contemporain de Dickens.

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 20:01

      Oh, quelle coquille… Un grand merci de l’avoir vue et signalée. Il s’agissait en effet de l’année 1858.

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  3. cleanthe 21 octobre 2018 / 18:25

    Il est sur ma liste depuis longtemps. J’adore cet auteur!

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 19:59

      Je le comprends, et cette première rencontre ne sera pas la dernière non plus de mon côté!

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  4. Goran 22 octobre 2018 / 07:33

    Anthony Trollope était l’un des romanciers anglais les plus célèbres et je ne connaissais pas… Merci pour cette découverte.

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 19:58

      Et moi qui suis fier de l’annoncer dans le billet, j’ignorais encore qui il était il y a quelques temps aussi :-). Heureux de te l’avoir fait découvrir !

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  5. Mumu dans le bocage 22 octobre 2018 / 08:36

    Auteur découvert l’année dernier avec ce roman et lu ensuite Miss Mc Kenzie, un gros pavé également mais je trouve son écriture très moderne et vivante, j’aime quand il nous interpelle ….. Par contre de gros romans dans lesquels on retrouve toujours un peu les mêmes ressorts…. Mais à découvrir.. 🙂

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 19:57

      Je suis complètement d’accord avec l’écriture très vivante ; je manque encore de recul pour juger des ressorts mais je vois à quoi vous faites allusion. Merci pour le commentaire, bienvenue sur le blog, je vais m’empresser d’aller faire un tour sur le vôtre 🙂

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 19:53

      Il me faudrait jeter un coup d’œil aux films issus de ses livres, bonne idée. Merci !

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  6. Madame lit 22 octobre 2018 / 13:55

    Je note ce titre pour le bilan d’octobre et pour ma prochaine commande en librairie! C’est mon genre de lecture et comme Goran, je ne connaissais pas cet écrivain. Au plaisir!

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    • Patrice 22 octobre 2018 / 19:51

      Ça me fait un réel plaisir de susciter des découvertes à travers ce billet! Merci et bonne lecture par avance!

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  7. Claudine Frey 17 novembre 2018 / 10:34

    J’aime cet écrivain mais je n’ai lu que deux ou trois titres et je sais qu’un jour ou l’autre je me remettrai à le lire. J’ai vu qu’il figurait dans la liste de LC que tu avais proposé en Juillet. Hélas! j’ai raté ton billet, sinon je l’aurai lu volontiers avec toi. Avertis-moi s’il y a d’autres LC.

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    • Patrice 19 novembre 2018 / 17:47

      Avec plaisir. Je planifie une lecture de Nord et Sud, d’Elizabeth Gaskell en début 2019. Je pense que ce serait peut-être un titre qui t’intéresserait, non?

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